Découvrez dans cet article les adaptations du corps à l’entraînement sous la chaleur, permettant d’être plus performant par temps chaud. Vous trouverez également des conseils pour bien gérer l’entraînement dans ces conditions et vous adapter aux périodes de forte chaleur.

Nous avions vu dans un article précédent que la chaleur entraîne une baisse de performance en course, car il est plus difficile d’évacuer la chaleur quand l’extérieur est déjà chaud. En effet, nos mécanismes de thermorégulation sont principalement basés sur la différence de température entre le corps et l’air environnant, donc si cet écart diminue, les échanges de chaleur aussi. Mais tout n’est pas perdu, comme nous allons le voir dans la suite…

Bonne nouvelle : on s'acclimate à la chaleur quand on court par temps chaud. Crédit photo : Lululemon Athletica.

Bonne nouvelle : on s’acclimate à la chaleur quand on court par temps chaud (crédit photo : Lululemon Athletica).

L’acclimatation à la chaleur

Bonne nouvelle, l’entraînement par temps chaud permet d’améliorer les processus de thermorégulation, ce qui entraîne une réduction du travail musculaire et cardiovasculaire pour une même intensité. Le corps s’adapte donc pour limiter les effets de la chaleur. Ainsi, des chercheurs [Buono et al. 2007] ont mesuré une baisse de la fréquence cardiaque de 18bpm et de 0,6?C de la température corporelle pour le même l’exercice après une période d’acclimatation de 10 jours chez 8 volontaires. La baisse de la fréquence cardiaque serait liée à une augmentation du volume du plasma sanguin. Ainsi, Lorenzo et al. (2010) ont mesuré une hausse de 6,5% du plasma sanguin après une période d’acclimatation de 10 jours chez 12 cyclistes. De plus, les performances étaient améliorées de 8% en environnement chaud (38?C), mais aussi de 6% à une température plus fraiche (13?C), alors que le groupe contrôle qui a continué de s’entraîner en conditions normales n’a pas vu ses performances améliorées.

L’acclimatation à la chaleur entraîne également une baisse des seuils de sudation et de vasodilatation, c’est-à-dire que ces mécanismes sont déclenchés plus rapidement lorsqu’on est habitué à courir quand il fait chaud. Le corps évacue donc mieux la chaleur car les vaisseaux sanguins sont dilatés (leur diamètre augmente) plus rapidement, on sue également plus tôt et en plus grande quantité. En effet, le taux de sudation augmente : une étude [Kirby and Convertino 1986] a mesuré une hausse de 14% du taux de sudation après un entraînement de 10 jours à 40?C.

La composition de la sueur change également après une période d’acclimatation. Dans tous les cas, la teneur en sodium (symbole Na) augmente quand le taux de sudation augmente, comme si les mécanismes de réabsorption du sodium étaient dépassés par une production trop importante de sueur. En revanche,  la teneur en sodium est diminuée pour un même taux de sudation après une période d’acclimatation à la chaleur [Buono et al. 2007], ce qui limite les pertes en sodium, comme illustré sur le graphique ci-dessous.

Concentration de la sueur en sodium (axe vertical) en fonction du taux de sudation (axe horizontal). On remarque qu'avec ou sans acclimatation, le teneur en sodium augmente quand la quantité de sueur augmente. Cependant, pour un même taux de sudation, la teneur en sodium est moins élevée après acclimatation à la chaleur (cercles noirs) que sans acclimatation (cercles blancs).

Concentration de la sueur en sodium (axe vertical) en fonction du taux de sudation (axe horizontal). Les valeurs sont les moyennes pour 8 personnes au 1er et 10ème jour d’acclimatation à la chaleur. On remarque qu’avec ou sans acclimatation, la teneur en sodium augmente quand la quantité de sueur augmente. Cependant, pour un même taux de sudation, la teneur en sodium est moins élevée après acclimatation à la chaleur (10ème jour, cercles noirs) que sans acclimatation (1er jour, cercles blancs). Modifié d’après Buono et al. (2007).

La limitation des pertes en sodium a plusieurs avantages :

  • le sodium aide à maintenir le volume du plasma sanguin. Une baisse du volume du plasma sanguin entraîne notamment une hausse de la viscosité du sang. Le cœur doit alors fournir plus d’effort pour faire circuler le sang et le débit cardiaque est plus faible, d’où une possible baisse de performance.
  • Le sodium pourrait également aider à maintenir les mécanismes de thermorégulation (transpiration et vasodilatation cutanée).
  • La perte de sodium par la sueur pourrait favoriser une chute de sa concentration dans le plasma sanguin. Or lorsque cette concentration baisse trop, en dessous d’un certain seuil, il y a un risque d’hyponatrémie qui est un trouble sérieux (nausée, vomissement, maux de tête, troubles de la conscience, peut même être mortel dans les cas avancés si la prise en charge de la victime n’est pas immédiate). Cette hypothèse est cependant à mesurer, car l’hyponatrémie pourrait davantage être due à une surhydratation, possiblement par effet de dilution du sodium [Almond et al. 2005].

Nous venons de voir que l’acclimatation du corps à la chaleur permet de réduire les effets néfastes de la chaleur et même d’augmenter les performances, aussi bien par temps chaud que par temps frais.

Quel est le temps nécessaire pour que les mécanismes d’acclimatation à la chaleur se mettent en place ?

Les mécanismes d’adaptation à la chaleur prennent 1-2 semaines à se mettre en place [Wendt et al. 2007], mais pas tous selon le même rythme, comme illustré dans le tableau ci-dessous :

Adaptation

Nombre de jours nécessaire pour l’acclimatation

Baisse de la fréquence cardiaque à l’exercice

3-6

Augmentation du volume de plasma sanguin

3-6

Baisse de la concentration en sodium dans la sueur

5-10

Augmentation du taux de sudation et baisse du seuil de début de sudation

7-14

Augmentation de la vasodilatation cutanée

7-14

Les adaptations à la chaleur sont-elles réversibles ?

Malheureusement oui, l’organisme se désadapte, c’est-à-dire que l’on perd les avantages acquis à courir quand il fait chaud si on n’est plus exposé à la chaleur. D’après Wendt et al. (2007), il semblerait que ces adaptations durent au moins une semaine, mais certainement moins d’un mois si le corps n’a pas de nouveaux stimuli liés à la chaleur. N’espérez donc pas tirer profit de votre acclimatation estivale pour courir en plein hiver…

Conseils pour courir sous la chaleur

Après ces explications un peu théoriques sur les adaptations physiologiques liées à l’entraînement par temps chaud, voici quelques conseils pratiques, souvent de bon sens, pour courir quand il fait chaud.

Acclimatez-vous pour votre prochaine course

Nous venons de le voir, l’organisme s’adapte à l’entraînement sous la chaleur et devient alors plus performant. S’il risque de faire chaud lors de votre prochaine course, s’acclimater 1-2 semaines à l’avance est un bon moyen de ne pas (trop) souffrir de la chaleur et d’être bien préparé à ces conditions. De plus, votre corps aura eu le temps de développer de nouvelles aptitudes (plus de plasma sanguin notamment) pour courir efficacement sous la chaleur et être plus performant.

Acclimatez-vous progressivement

Pour vous acclimater à la chaleur, n’allez pas courir tout de suite à 14h en plein soleil, allez-y progressivement.

Hydratez vous avant, pendant, après

L’hydratation est bien entendu primordiale quand il fait chaud. Cependant, on pense trop souvent à boire pendant l’effort seulement, mais il faut aussi penser à bien s’hydrater avant et après l’entraînement, pendant la journée.

Quelle quantité faut-il boire ? Il n’y a pas de règle stricte, car cela dépend de beaucoup de facteurs, aussi bien environnementaux qu’individuels. Une fourchette de 0,4-0,8L par heure semble raisonnable, et il semble préférable de boire ad libitum, c’est-à-dire à sa soif, plutôt que « le plus possible ». De plus, les coureurs légers et/ou lents devraient se situer dans la fourchette basse, vers 0,4-0,5l/h, alors que les coureurs plus lourds et/ou rapides devraient être plutôt dans la fourchette haute.

Conseils sur l'hydratation pour courir. Une fourchette de 0,4-0,8L par heur de course semble raisonnable.

Conseils sur l’hydratation pour courir. Une fourchette de 0,4-0,8L par heur de course semble raisonnable. Les coureurs les plus rapides et les plus lourds se situent plutôt dans la fourchette haute, alors que les coureurs les plus légers et lents sont plutôt dans la fourchette basse.

De plus, on pourrait penser que l’acclimatation à la chaleur diminue les besoins de s’hydrater. Or, étant donné que l’on sue plus vite et en plus grande quantité quand on est acclimaté à la chaleur, c’est plutôt l’inverse qui se produit : on évacue davantage de chaleur (donc d’eau), d’où des besoins aussi importants voire supérieurs de s’hydrater [Wendt et al. 2007].

Que faut-il boire ? C’est une question très débattue dans la recherche scientifique et le boom des boissons énergétiques n’aide pas beaucoup, ce qui montre bien qu’il n’y a pas vraiment de consensus. Cependant, de l’eau accompagnée d’environ 60g/L de glucides semble être un bon compromis d’après Tim Noakes. En effet, les glucides aident à la performance et à l’absorption de l’eau au niveau des intestins. En revanche, ils ralentissent le passage de l’eau de l’estomac aux intestins et peuvent donc causer des troubles gastriques si la boisson est trop concentrée. C’est pourquoi je vous conseille de tester votre boisson à l’entraînement, surtout qu’on a tendance à moins bien accepter le goût sucré avec la chaleur. Autre conseil : un peu de sirop permet de varier facilement le goût de la boisson 😉

Si vous n’avez pas de ceinture porte-bidon ou de camelbak, vous pouvez prendre une bouteille d’eau que vous laissez à un endroit où vous passez plusieurs fois : dans un parc c’est l’idéal, vous pouvez boire à chaque tour. Pour une séance de fractionné, vous pouvez boire à la fin de chaque série et en plus ça vous fait un repère visuel 😉 Connaitre les points d’eau aux alentours est aussi bien utile (robinets et toilettes publics, fontaines, sources).

Adaptez votre tenue

Les vêtements sont une barrière avec l’extérieur, bien utile quand il fait froid, mais qui gêne l’évacuation de la chaleur quand il fait chaud. Mieux vaut donc porter des vêtements larges pour augmenter les échanges de chaleur avec l’air, et des vêtements techniques « respirant » qui évacuent la transpiration, car c’est le mécanisme principal d’évacuation de la chaleur quand il fait chaud. En revanche, évitez de porter du coton qui absorbe l’humidité mais sèche trop lentement et se plaque sur le corps, limitant l’évacuation de la chaleur.

La couleur a aussi son importance, les vêtements sombres ont tendance à absorber davantage la chaleur que les vêtements clairs qui la réfléchissent.

Adaptez votre rythme

Bien entendu, si vous n’êtes pas habitué à courir quand il fait chaud, mieux vaut ralentir un peu la cadence pour éviter toute surchauffe…

Adaptez vos horaires et changez vos parcours

Ici encore, le bon sens s’impose : mieux vaut courir aux heures les plus fraîches de la journée, c’est-à-dire le matin avant que le soleil ne soit trop haut, ou alors en soirée.

Courir a l'aube permet d'éviter la chaleur, et de profiter d'une lumière particulière... une bonne motivation pour se lever ! (crédit photo : Robbie)

Courir a l’aube permet d’éviter la chaleur, et de profiter d’une lumière particulière… (crédit photo : Robbie)

Autre point important : privilégiez les parcours qui sont à l’ombre, au moins en partie, surtout si vous courez aux heures les plus chaudes, ça fait une sacrée différence ! Il fait d’ailleurs souvent plus frais à 11h-midi à l’ombre en forêt qu’à 9-10h en plein soleil. Ça vaut donc le coup de bousculer ses habitudes pour changer de parcours et courir à l’ombre.

Fréquence cardiaque en hausse, que faire ?

Vous l’avez sans doute remarqué si vous possédez un cardiofréquencemètre, la fréquence cardiaque a tendance à être plus élevée pour un même parcours à la même vitesse quand il fait chaud que quand il fait frais. Si l’on souhaite courir en endurance fondamentale et ne pas dépasser un certain seuil de fréquence cardiaque, faut-il pour autant ralentir l’allure ? Si vous n’êtes pas habitué à la chaleur, il peut être prudent de ralentir pendant les premières séances. Ensuite, nous l’avons vu, l’organisme s’adapte à la chaleur, vous permettant de courir plus vite pour une même fréquence cardiaque. Il faut aussi garder en tête que les limites de zones d’effort sont théoriques, et que l’on peut tolérer quelques battements supplémentaires, surtout que la fréquence cardiaque maximale est souvent estimée par une formule approximative (par exemple : 220-âge), d’où des limites peu fiables. Pour en savoir plus, je vous renvoie à cet article sur la fréquence cardiaque en course à pied.

En compétition, la chaleur est pour tout le monde !

Lors d’une course par temps chaud, on a rapidement tendance à se plaindre de la chaleur dès que l’effort devient pénible, trouvant déjà une bonne excuse à une moindre performance… Pourtant, pensez que vous n’êtes pas le/la seul(e) dans ce cas, et que la chaleur touche tous les coureurs et que eux aussi doivent gérer ce stress supplémentaire.

Nous avons également vu qu’il vaut mieux courir à l’écart des autres coureurs pour bénéficier de conditions de régulation optimales et éviter un effet de groupe qui entraîne une augmentation de la contrainte due à la chaleur (j’en parlais dans l’article sur la baisse de performance liée à la chaleur). Dès que vous le pouvez, écartez vous donc des autres coureurs 😉

Pour finir, ayez confiance dans votre entraînement et votre acclimatation, en vous disant que vous êtes bien préparé pour courir sous la chaleur. Et oui, si vous avez lu tous ces conseils jusqu’au bout, vous êtes paré 😉